L’enlèvement au sérail, vu et apprécié au festival d’Aix-en-Provence 2015

« Enfermement dans un lieu ouvert », c’est tout ce que j’avais entendu sur L’enlèvement au sérail de Mozart, par la voix du chef d’orchestre Jérémie Rhorer entendu sur France Musique dix jours auparavant. Ce vendredi 17 juillet, je revenais d’une semaine en univers clos, non concentrationnaire, plutôt particulièrement ouvert et tolérant, à savoir un stage de méditation et yoga en zone bouddhique. Toute polémique autour de la représentation m’avait échappé. Coupée du monde, je n’avais pas perçu le tumulte de celui-ci.
De retour à la vie « normale », adjectif qui conduit à s’interroger sur laquelle ferait mieux d’être ma normalité, j’apprends que la représentation de l’opéra crée en juillet 1782 à Vienne fait en juillet 2015 scandale au festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence : des spectateurs en état de choc, me dit-on, quittent le théâtre de l’Archevêché à l’entracte… Le directeur du festival aurait fait retirer deux images devenues insupportables. Que Mozart fut un compositeur révolutionnaire nul ne doute, mais, au-delà de l’opéra et de la musique, il s’agit ici de parti pris, de décalage spatiotemporel et de références homicides et terroristes dans la mise en scène de Martin Kusej.

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On me rapporte la situation, on parle d’atteinte à l’intégrité morale de l’oeuvre de Mozart, on cite les critiques et la presse déchainée, et le mot « décapitation », qui a pourtant une résonance familière en France depuis l’Ancien Régime, fait son entrée, vibrant de terreur et d’actualité. Le metteur en scène a décalé l’action du livret d’origine en 1920. Pour justifier la polémique autour de ce choix, sont convoqués pêle-mêle Daech, la Syrie, Charlie Hebdo, les tueries du mois de juin : évidemment mon sang et ma compassion exacerbée par huit jours de méditation bouddhique ne font qu’un tour. Lire la suite